Pascal,
Il n'y a pas de jugement dans ce que je dis mais à mon sens tes questions sont mal posées.
Si c'est la souffrance de ton enfant qui te fait te demander tout ça, en effet, c'est pas tout à fait le même problème.
Ceci étant, ce que moi je ressens par rapport à ça :
- donner la vie à quelqu'un c'est lui donner la possibilité de vivre dans toute l'ampleur de ce que ça peut représenter, y compris la souffrance certes, ce qui ne veut pas dire que les parents soient coupables ou responsables de la souffrance de leurs enfants. J'entends par là que pour moi, faire le raccourci entre : "mon enfant est malade, il souffre, je ne supporte pas de le voir souffrir" et "mettre des enfants au monde c'est égoïste"... me semble justement très raccourci.
Ce qui me semble égoïste c'est le contraire, c'est de se dire que pour ne pas avoir à souffrir soi-même en voyant souffrir son enfant, eh bien il vaudrait mieux tout compte fait ne pas en faire.
J'ai souffert pour ma part quand j'étais enfant, à certains moments. Ben ce qui est certain c'est que dans ces moments-là, ce que j'avais en tête c'était pas de "vouloir ne pas être né" ou autre métaphysique ; c'était beaucoup plus simple que ça, c'était la présence et le réconfort de ma mère. Et en l'occurrence, ce qui était le plus important, je le vois maintenant avec le recul et sur cette question que tu as soulevée, c'était qu'elle soit envers et contre tout capable de me protéger et s'occuper de moi, aussi difficile cela puisse-t-il être pour elle de me voir mal.
Donc pour moi c'est dans l'autre sens que ça se passe....
Oui c'est très difficile de voir souffrir quelqu'un qu'on aime, on peut ne pas vouloir supporter cette souffrance et décider pour cela de ne pas avoir d'enfant, c'est un choix personnel.
Mais en déduire de façon générale qu'avoir un enfant est purement égoïste à mon sens est tout simplement faux. Un enfant ne comprendra peut-être pas ce qui lui arrive, mais il ne viendra pas te reprocher de l'avoir fait naître.
Lui, il est là, il a mal, il se fout des considérations philosophiques, ce dont il a besoin c'est que ses parents soient capables de faire taire leur propre souffrance à le voir souffrir pour s'occuper de lui et lui donner tout ce qui pourrait le soulager un peu.
Bon. Ceci étant, je te remercie d'avoir soulevé cette question... c'est pour ce qui me concerne une sacrée synchronicité et qui vient répondre à quelque chose que j'avais à "résoudre" justement ces derniers jours.
Puisque j'en parle, je le partage en deux mots : ces derniers temps, gros travail sur mon enfance etc etc...
Une de mes dernières prises de conscience concerne ma mère et le fait que j'ai énormément... souffert de la voir souffrir. Tu vois, ça rejoints pile poil ton sujet, Pascal
Elle était avec un homme assez violent, je passe les détails.
Il m'a fait souffrir moi aussi (pas physiquement je précise quand même), mais je ne comprenais pas, une fois ceci nettoyé, il me restait quelque chose. Finalement c'était ça, bien plus fort que ma souffrance à moi, la souffrance de l'avoir vu faire souffrir ma mère.
Je viens de comprendre en ayant réfléchi pour répondre ici à propos de ce cas parallèle concernant les enfants, que la clé qui me manquait était notamment de comprendre le côté égoïste de ce truc-là : souffrir parce que l'autre souffre. (ou plus exactement "égocentrique", c'est à dire de ramener à soi la souffrance observée chez l'autre au nom de l'amour qu'on lui porte)
Je reviens au sujet d'origine pour commenter cette phrase :
Il me semble, en tout cas pour le moment, que ce serait plutôt un cadeau que l'on se fait à soi-même.
Non je ne suis pas d'accord. Pour ma part je suis extrêmement reconnaissante à mes parents de m'avoir donné la vie, et ce même si ça a pas toujours été facile.
Et je les remercie infiniment d'avoir accepté de prendre ce risque.
Ils ont re-essayé aussi deux fois après moi, ça n'a pas marché, il y a eu de la souffrance. Mais pour cela fallait-il pour autant ne pas le faire ? non je crois pas, je crois que s'ils avaient rien fait pour ne jamais souffrir, ils l'auraient regretté toute leur vie.
Le truc, c'est que tu ne peux pas savoir à l'avance. Tu ne peux tout simplement pas.
Et tu ne peux pas non plus effacer ce qui a été fait. Alors ça sert à rien de tirer des grands principes généraux sur ce qui serait égoïste ou ne le serait pas. Ca ne résoud rien, ça ne résoud pas le fait que quand tu décides de faire un enfant c'est un énorme saut dans l'inconnu, et jamais tu ne pourras savoir ce qui se passera.
Quand tu sautes dans l'inconnu, ben par définition c'est l'inconnu.
Alors soit tu décides que non non tu sautes pas, puisqu'il y a tant de % de risques que ça se passe mal et qu'il y ait de la souffrance ; soit tu sautes, et Inch Allah.
C'est pareil pour tout ; c'est pareil pour les histoires d'amour et les gens qui veulent plus tomber amoureux parce que ça fait trop mal ; ou un tas d'autres situations humaines où on s'engage auprès de quelqu'un d'autre, au risque de souffrir et de le voir souffrir.
Mais si on ne vit pas ces trucs-là, si on ne sort plus de chez soi pour ne plus jamais souffrir et ne plus jamais voir souffrir personne, si on ne peut même plus vivre et suivre ses élans de coeur au nom de ça, mais... autant se flinguer tout de suite, ça sera réglé
(et en plus ça résoudra le problème des 10 milliards d'habitants
)
Bises
Aya